- Veux-tu que je t’apporte des bouchons?
- Des bouchons?
- Oui, des bouchons à oreilles?
- Pardon ?!
- J’travaille dans le bruit toute la journée, j’peux t’en amener une boite.
Il venait de me proposer ce qu’il ne fallait pas.
Episode 1
Il était une fois jeudi passé, le 18 Septembre 2008. Le matin pour être plus précis. Le menou m’appelle à l’ouvrage. Il devait être entre 9h et 10h, à peu près.
- Allo mon menou, comment va mon poupou?
- Moyen. Y’a de la grosse bass chez l’voisin. J’ai couché la p’tite mais j’suis pas capable de faire ma sieste, ça bûche dans l’oreiller.
- Oh, hmmm… Y’a pas grand’chose que j’peux faire d’ici. Va sonner pis essaye d’expliquer que la musique est rendu forte pis que tsé, t’essaye de faire dodo…
- Ouin…. Ok.
Mettons que ce n’est pas la grosse bonne humeur dans la maison ce matin là. C’est jamais quelque chose de très plaisant à faire que d’aller cogner chez l’voisin pour y dire que
Elle cogne toc-toc chez le voisin. Une femme un peu mal-à-l’aise répond.
- Oh vous venez pour la musique? C'est fort, hein?
- Mmmmouain…
- Ben c’est que, j’suis la femme de ménage. C’est son neveu qui écoute la musique.
- Ok, eh, pouvez vous lui dire ou sinon, si j’ai pas moyen de lui parler, ben eh, j’veux pas en arriver là, mais va falloir que j’appelle la police.
- J’vais aller lui dire.
Bon c'est fait. Elle s'en retourne à la maison en espérant que ça ne fera pas trop de vagues. J’ai à peine le temps de rappeler à ‘maison pour avoir des nouvelles que le petit neveu arrive sur le perron.
- Oui?
- J’sais pas pourquoi vous êtes venu sonner.
- Ehh, c'est que votre musique m'empêche de dormir.
- Ça s'peut pas, c'est même pas si fort que ça...
Voyant que la conversation n'allait nulle part, elle décide de couper ça court puisque ça sert vraiment à rien de parler à un jeune en pleine crise de croissance souffrant d'une déficience du développement socio-affectif. Finalement, ça s'est terminé sur un "ok ouan, j'va baisser l'son un peu".
Cinq minutes plus tard, je rappelle à la maison pour avoir la suite. Elle m'explique que le petit bouttoneux n'a absolument rien baissé; le son de la musique est tout aussi fort qu'avant. Faut savoir qu'il y a déjà le petit voisin de l'autre bord qui fait des partys autant qu'il change ses fruits-of-the-looms, celui d'en face qui lave son acura monté flambette bleu nénane à chaque 20 minutes avec le subwoofer dans l'tapis, on a maintenant un autre nombril vert qui pisse la testostérone au grand jour.
La petite dort toujours dans sa bassinette, et la mère, encore, endure.
Episode 2
17h20. J'arrive à la maison. La bass passe encore les murs.
- Ça vient de repartir, ça fait juste quelques minutes, tu l'entends- tu?
- Ouin.
- Va dans 'chambre, tu vas voir.
Pour des raisons que j'ignore, dans la chambre à coucher, ça bûche quelque chose de rare. Plus que dans les autres pièces. C'est comme si le subwoofer était juste en dessous. J'me met la tête sur l'oreiller, j'peux presqu'entendre les paroles de la toune. Si au moins c'était du Nickleback ou du bon vieux Whitesnake. Ben non, woyons! Du maudit dance techno boum-boum à marde pour les derniers de classe du réseau publique en recherche d'identité; nos petits incompris aux pères absents qui vont sans doute finir "représentants" chez H. Grégroire ou pire, contracteur en construction. (Oui-oui, je généralise. C'est juste qu'en 10 ans, j'en ai pas trouvé de bons, justes et honnêtes encore...)
19h00. Le menou sort faire des courses. Je m'installe avec poupou devant CNN.
Ça cogne toc toc à ma porte. C'est le voisin, le vieux, le père.
En marchant du salon vers la porte, j'me disait que finalement il prenait ses responsabilités, qu'il viennait s'excuser pour le dérangement, prendre les choses en main et arranger la situation et bla-bla-bla... Presque rafraîchissant. Je prend les devants en ouvrant avec un sourire Colgate.
- Bonsoir, ça va bien?
- Ehhh, ça l'air que y'a eu un problème?
Je réalise à ce moment là que les formalités pour mon voisin, qui se trouve à être contracteur (eh oui!), ce n'est pas sa tasse de thé.
- Ma femme avait de la misère à dormir en avant-midi à cause de la musique.
- Ben là, j'en ai parlé à mon neveu tantôt, c'était pas si fort que ça. Pis en plus, c'était dans l'jour.
- Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise Monsieur, le son était rendu chez nous.
- C'est pas raisonnable. En plein jour, t'as rien à dire. Pis à part de ça, qu'elle vienne pus sonner, qu'elle envoye la police, pis on s'arrangera. On laissera la police trancher.
J'ai les yeux secs tellement j'ai oublié de cligner.
- Elle est allée sonner en personne par souci de bon voisinage. J'me dit que c'est toujours moins agressant que de se faire visiter par un policier.
- Mais en plein jour?!! Quand même!
Je lui explique que ça a rien a voir. Une tondeuse a gazon, ça n'a pas de volume. C'est pour cette raison qu'il y a un couvre-feu pour le bruit en 23h et 7h. En ce qui concerne les systèmes de sons, comme il est possible d'ajuster le volume, il n'y a pas de couvre-feu. C'est 24h par jour, quand ça dérange, on se doit de baisser. Il semble confus et de toute évidence en perte de contrôle, la discussion glisse et il me sort son argument cannon digne d'un vrai Homme, un grand Homme, un Contracteur.
- Ça change rien, c'était pas si fort que ça.
- On demande juste de ne pas se faire déranger.
- Veux-tu que je t’apporte des bouchons?
- Des bouchons?
- Oui, des bouchons à oreilles?
- Pardon ?!
- J’travaille dans le bruit toute la journée, j’peux t’en amener une boite.
Les yeux secs tel le désert de Gobi, j'me suis éclaté. "Des bouchons!!!" Je n'ai pas pu m'empêcher de lui rire dans face, à gorge déployée, sans retenue, aucune. Je n'en r.e.v.e.n.a.i.s pas: Monsieur le CONtracteur paie des taxes donc il ne mettera pas d'écouteurs dans sa maison, mais les autres citoyens de ce pays vont se bouchonner dans les leurs...
Episode 3
On en a parlé et on en est venu à la conclusion que c'était la fin. Mercredi soir passé, la pancarte était plantée. Lundi prochain, la fille de re/max va venir prendre les photos de l'intérieur. That's it - finito. On déménage.